Vendredi Saint

Vendredi Saint

Aragon au petit déjeuner

Petit matin, vue du lit, le ciel sur lui comme un drap. Mon amour imaginaire me salue. Je lui lis Aragon, ces vers à danser: « Que ce soit dimanche ou lundi. Soir ou matin. Minuit, midi, dans l’enfer ou le paradis: Les amours aux amours se ressemblent. C’était hier que je t’ai dit, nous dormirons ensemble.» C’était hier et c’est demain, tout ce qu’il y a de temps humain. Vendredi Saint, Confinés.

Je me lève enfin. Pourtant j’aimerais refermer mes bras sur lui. Qu’il chante la plus belle des chansons. Douce comme un duvet. Rose comme la rose, gaie au soleil de cette belle matinée.

La Prière de Marie-Noël

« Vite, aime moi, aimez moi, vous tous, aimez moi bien, avant que mon cœur las d’attendre un peu de fête ne soit un vieux cœur, un cœur bon à rien. Aimez-moi, hâtez-vous. J’entends le temps qui passe. Le temps passera, le temps est passé. » Bientôt foutu, qui sèche et que personne ne ramasse, mon cœur roulera poussé par le vent, sans voix, sans cœur, avec les feuilles dans l’espace.

Vendredi Saint, confinée

Quel jour sommes nous? Je me pose cette question 15 fois par jour. Dimanche, lundi? Non vendredi, c’est ce soir que mon fils revient. Vendredi Saint, c’est BFM qui l’annonce. A la place de ma bouffée anxiogène quotidienne, je tombe sur la cérémonie de Pâques, à Notre Dame de Paris. La vieille dame m’a manqué. Un an déjà que nous avons pleuré en cœur, rassemblés dans une émotion historique, bouleversés face à la destruction d’un symbole qui semblait immuable. Le bâtiment n’a plus beaucoup de pierres d’origine, mais il a traversé notre histoire. Forcément, croyant ou pas, la fascination s’exerce. Nous avons tous été sidérés par la vue fantastique depuis son chevet sur la flèche noire de Violet Le Duc. «Ce sont des hommes qui meurent quand un monument comme celui là s’effondre». C’est une partie de nous même qui s’est enflammée.

Notre Dame De Paris, rescapée

Confinée, je me retrouve dans l’abside de la cathédrale. Majestueuse, préservée, les meubles en bon état. L’archevêque, est là, qui vénère la « Sainte Couronne d’épines », sauvée des flammes de l’incendie. Un temps de méditation suit, bien loin des cours de yoga en ligne. Spirituel, élevé, ressourçant.

Une cérémonie sobre et bouleversante

Des textes signés Claudel, Charles Peguy ou Mère Teresa sont lus par Judith Chemla. Philippe Torreton ne peut retenir ses larmes sur la prière de Francis Jammes. Je me souviens ces paroles autrefois chantées par Brassens. Suffisamment fortes, elles se suffisent à elles mêmes. C’est le Christ mort crucifié, en réalité suffoqué, de la même mort que celle des victimes du Coronavirus aujourd’hui, les gosses battus confinés avec leur père, les femmes humiliées, les personnes en surpoids d’autant plus menacées, la cruauté de l’isolement, les malades… De la crise actuelle, tout y est, qui nous ferait couler des larmes de sang. La puissance des notes en alternance, avec les morceaux de musique interprétées par Renaud Capuçon, en combinaison et bottes blanches anti plomb. 

La vie continue, Vendredi Saint, Confinée, libérée

Le spectacle est sur-réel. Intense, sobre, bouleversant, secret des corps et des âmes. Enfin, on sent les fleurs du printemps, c’est la vie qui continue. Tout est ajusté. J’entre dans une espérance qui ressemble à la paix: Vendredi Saint: De confinée à libérée.

 

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